Sur “Music Can Hear Us”, son nouvel album, le producteur allemand pousse sa science de la production et de la déconstruction dans ses retranchements et nous entraîne dans un trip sans pareil.
Róisín Murphy nous l’expliquait d’emblée à la sortie de Hit Parade en 2023, réalisé par DJ Koze. Avec ce dernier, il faut savoir prendre son temps, s’armer de patience et lâcher prise. L’album, entièrement produit par le DJ et producteur allemand, avait commencé à germer sept ans plus tôt, lorsque Koze l’avait invitée à poser sa voix sur deux morceaux de Knock Knock (2018), son précédent disque.
Une simple collaboration qui allait poser les bases d’un projet bien plus vaste. Tenter de résumer, comme de mettre dans une case, DJ Koze serait vain. Tant, replié derrière une image d’illuminé un peu fantasque qui partage sa vie entre Hambourg en Allemagne et Cadaqués en Espagne, Koze s’est façonné, au fil des années, à coups d’histoires rocambolesques, et souvent imaginaires, un personnage de gourou de l’électronique, entouré d’un capharnaüm de synthés analogiques vintage et d’instruments acoustiques.
Un artiste insaisissable
DJ Koze n’est pas un novice : il a débuté dans le rap au début des années 1990 avec le groupe Fischmob, avant de succomber aux sirènes de l’électronique, sans jamais vraiment se mêler à la clique minimale allemande dont on l’a pourtant souvent affublé.
Depuis, entre cinq albums aussi insaisissables que brillants, des maxis mutants et une liste de remixes longue comme une nuit blanche (on pense à Operator de Låpsley ou Found Out de Caribou), il a délimité une science de la production qui n’appartient qu’à lui. Comme si Koze sculptait la masse de ce qu’on appelle communément la pop, étirait les mélodies jusqu’à leur point de rupture, déformait les voix et les traitait comme des samples, bouclait les fragments de mélodies jusqu’à l’obsession, enrobait le tout de sa science du dub, pour envelopper l’auditeur dans un bain amniotique à la frontière du rêve et de la transe. Avec Music Can Hear Us, Koze continue sur sa lancée et mélange les genres comme jamais, tout en conviant une tripotée d’invité·es de haut vol, de Damon Albarn de Blur à Markus Acher de The Notwist.
Un album hallucinatoire
Music Can Hear Us – clin d’œil de la part de celui qui a toujours considéré la musique comme un être vivant, capable de s’autogénérer – est un labyrinthe dans lequel il faut se laisser égarer et porter. Pure Love règle son sort à l’amapiano avec un Damon Albarn passé dans la moulinette de l’Auto-Tune, Brushcutter, avec Marley Waters, accouple sans vergogne drum’n’bass et trance, Tu Dime Cuando pourrait s’être échappé du studio de Rosalía, et What About Us, avec Markus Acher de The Notwist, point d’orgue du disque, est un rêve de pop synthétique et illuminée.
Music Can Hear Us est une hallucination sonore pour laquelle il faut savoir laisser ses préjugés au vestiaire, un grand disque qui révèle petit à petit toutes ses saveurs au fil des écoutes, tout en opérant une sorte de déconstruction-reconstruction fascinante de la pop music en trip psychédélique. Comme le résume à merveille Koze : “Ce disque est la drogue légale la plus puissante du marché, un rodéo cosmique de synapses dont tu ne soupçonnais même pas l’existence.”
Music Can Hear Us (Pampa Records). Sorti depuis le 4 avril.
En concert We Love Green le 8 juin.
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